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Pourquoi sommes-nous fascinés par les serial killers ?

Pourquoi aimons-nous les personnages moralement douteux ? Derrière la fascination pour les tueurs de fiction, une leçon psychologique et narrative dérangeante — et peut-être libératrice.

Lucie Michaut

8/3/20253 min read

(Spoiler : ce n’est pas que pour le sang)

Pourquoi sommes-nous fascinés par les serial killers ?
(moi y compris)

J’ai terminé la dernière saison de YOU. Et comme beaucoup, je me suis surprise à ressentir une forme d’attachement pour Joe Goldberg.

Personnage tueur, manipulateur, pervers, mais aussi cultivé, drôle, romantique (parfois), doté d’une voix-off pleine de contradictions. Un Dexter sans scalpel. Un monstre… mais pas totalement inhumain.

Alors une question subsiste :
Qui est le fou ? Eux… ou nous ?

Et surtout : Pourquoi ça fonctionne autant ? Pourquoi le tueur en série est-il devenu un produit d’appel culturel majeur ? Combien de films, de séries, de podcasts, de livres lui sont dédiés ? Et pourquoi diable sommes-nous autant attirés par ces personnages destructeurs ?

Il y a d’abord des biais cognitifs puissants qui entrent en jeu :
✔️ Biais de halo : une qualité (intelligence, humour, beauté) fait oublier les horreurs.
✔️ Biais de similarité avec le passé : “Je me reconnais un peu en lui…”.
✔️ Effet d’exposition : plus on le voit, plus on s’attache.
✔️ Rationalisation : “Il tue, oui, mais avec un code moral et une logique qui se tient (ou pas)…”
✔️ Biais d’attribution : “C’est à cause de son passé…” ("bah ouais meskine, il n'a pas eu une vie facile")

Mais la mécanique va plus loin. Elle touche à quelque chose de beaucoup plus profond. Carl Jung appelle ça "l’archétype de l’Ombre". L'ombre, c'est tout ce que nous refusons de voir en nous.

Le serial killer nous attire…
Parce qu’il incarne l’interdit, la pulsion, l’instinct que l’on réprime.
Parce qu’il ose là où nous ne faisons que fantasmer.
Parce qu’il agit sans masque.
Parce qu’il échappe aux règles sociales.

Ce n’est pas de la fascination pour le meurtre.
C’est de la fascination pour la transgression ultime.

Ce qu’on ne se permet pas. Ce qu’on refoule. Ce qu’on devine au fond de nous, parfois. Et les scénaristes le savent. Ils créent des personnages ni bons ni mauvais. Juste… profonds, troubles, ambigus.

Et c’est ça qui fonctionne.

L’attachement paradoxal : pourquoi on "aime" les monstres

Les biais cognitifs à l’œuvre

Ils sont nombreux, et puissants. On projette. On justifie. On excuse.
Pourquoi ? Parce que le tueur en série de fiction est rarement caricatural. Il est complexe. Et notre cerveau adore ce qui trouble la morale claire.

Tu t'es déjà surpris·e à compatir avec un personnage objectivement toxique ?
Tu n'es pas seul·e. On appelle ça le confort de la fiction : on explore sans risque.

L’ombre selon Jung : miroir interdit

Ce que le tueur réveille en nous

L’ombre jungienne, c’est cette part sombre, animale, pulsionnelle qu’on préfère ignorer.
Le serial killer ? Il la met en lumière. Il la rend séduisante.
Il devient l’archétype de ce qu’on ne s’autorise pas à être — et qu’on regarde quand même, avec curiosité, voire fascination.

Question pour toi :

  • Qu’est-ce que tu refoules… mais qui t’intrigue profondément ?

  • As-tu déjà été attiré·e par ce qui te fait peur ?

La fascination n’est pas morbide. Elle est symbolique.

Le pouvoir de la transgression

Ce n’est pas le meurtre en soi qui captive, mais l’acte de briser une norme fondamentale.
Ces personnages incarnent la désobéissance ultime.
Et dans un monde où tout est cadré, normé, jugé… ils représentent un fantasme brut : celui de l’insoumission totale.

✍️ Exercice : rencontre avec ton "ombre" créative

Un petit exercice introspectif (et un peu sauvage) :

  1. Note une règle sociale ou morale que tu ne transgresses jamais.

  2. Imagine un personnage fictif qui la transgresse. Qu’est-ce qu’il gagne ? Qu’est-ce qu’il perd ?

  3. Pose-toi la question : que révèle cette transgression sur ce que je me refuse à être ?

  4. Crée quelque chose à partir de là. Un post. Un texte. Une image. Une scène. Même si ça te dérange un peu.

Le tueur en série de fiction n’est pas qu’un ressort scénaristique. C’est une incarnation de nos tabous les plus intimes.
Ce n’est pas lui qui est le plus effrayant. C’est ce qu’il réveille en nous.