La question dérangeante d’Emil Ferris
Et si une simple question de BD faisait vaciller notre morale ? Entre storytelling, conscience et lâcheté douce, ce texte secoue les non-dits.
Lucie Michaut
8/2/20254 min read


Qu’est-ce qu’on ferait, vraiment ?
La question dérangeante d'Emil Ferris.
Dans sa BD "Moi, ce que j’aime, c’est les monstres", Emil Ferris donne la parole à une enfant, Karen, fascinée par les monstres et par l’humain. À un moment, elle pose une question dérangeante :
“Si vous saviez que vous pouviez empêcher 20 millions de morts, est-ce que vous tueriez les deux dictateurs moustachus du siècle dernier ?”
Pas une question de devoir d’histoire.
Une question de conscience.
C'est pire.
Parce que ce n’est pas une histoire de passé. Mais de présent.
Donc, "Si tu savais que tu pouvais empêcher 20 millions de morts, est-ce que tu les éliminerais ?" Et on pourrait extrapoler la question dans pleins d'autres situations.
Tu vois ce genre de question presque impossible. Inconfortable. Universelle. Mais sensée.
Tout le monde aime se penser du bon côté de l’histoire. On s’imagine courageux. Lucides. Clairvoyants. On croit que, face à l’horreur, on aurait agi. Pas juste parlé. Pas juste posté.
Notre leitmotiv imaginaire : Agir. Risquer. Résister. Protéger.
Mais entre ce qu’on croit… et ce qu’on fait vraiment ? Il y a comme un monde parallèle.
Les injustices sont visibles.
Les massacres documentés.
Les crises quantifiées.
Les enfants exploités pour des produits à 2€.
Et que deviennent les droits qui vont et viennent (et s'en vont) ?
Bref, on scrolle. On s'informe (ou se désinforme). On like. On ferme les yeux.
Parce que c’est trop. Parce que ça fatigue. Parce qu’on ne sait pas quoi faire. Parce que c’est loin. Parce que c’est flou. Parce qu’on n’a pas le temps. Parce qu'on est seul. Et un peu lâche.
Dans le storytelling, on parle de vision, de valeurs, de mission.
Mais est-ce que nos actes la reflètent vraiment ?
Ou est-ce qu’on vend juste une jolie histoire qui rassure sans déranger ?
Ce qu’on oublie, c’est que chaque marque, chaque individu, chaque créateur est un média. Tu racontes quelque chose, que tu le veuilles ou non.
Le courage narratif, ce n’est pas de dire ce que tout le monde répète.
C’est de prendre la parole quand c’est risqué. C’est de questionner les angles morts. C'est de bousculer. C’est de faire de ta voix une lumière. Pas un simple écho.
C'est donner à réfléchir. Et pas que.
Bref, cette question titille. Et perturbe.
C'est celle qu'on fera semblant de n'avoir pas ni lu ni entendu aujourd'hui.
La question impossible (et ce qu’elle dit de nous)
Les grandes questions ne servent pas à obtenir des réponses toutes faites. Elles fonctionnent comme un miroir. Quand Emil Ferris fait demander par Karen si l’on tuerait deux dictateurs moustachus pour sauver 20 millions de vies, elle ne parle pas d’Histoire. Elle parle de notre zone grise, de ce qu’on préfère éviter.
Une question qui racle nos angles morts
On aime s’imaginer du bon côté de l’Histoire. Héroïques, lucides, prêts à agir. Mais, soyons honnêtes : combien de fois nos actes reflètent-ils ce récit intérieur ?
Il y a un gouffre entre notre posture morale et notre action réelle.
Question pour toi :
Où est-ce que tu te racontes que tu "agirais", mais où tu ne fais que scroller ?
Qu’est-ce qui te freine ? La peur ? Le confort ? L’impression d’être seul ?
La fatigue morale du scroll
Les injustices sont là, en 4K. Les guerres, les crises, l’exploitation des enfants… et pourtant, la plupart du temps, on like, on commente… puis on retourne à nos vies. Ce n’est pas parce qu’on est mauvais. C’est parce que le monde, parfois, épuise.
La lassitude comme anesthésiant
On se protège. Parce que c’est trop, parce que c’est flou, parce qu’on se sent impuissant. Mais cette protection est un piège : elle nous rend passifs, spectateurs.
Question pour toi :
Sur quoi choisis-tu de fermer les yeux (inconsciemment) parce que ça fait mal de regarder ?
Qu’est-ce qu’il te faudrait pour transformer ce malaise en action ?
Le courage narratif : un acte politique
Dans le storytelling, tout le monde parle de vision, de valeurs, de mission. Mais à quel moment ces mots deviennent-ils des actes ?
Être courageux dans sa communication, ce n’est pas dire ce qui plaît. C’est dire ce qui dérange. C’est savoir risquer une parole, même si elle n’est pas likée.
Chaque voix compte
Chaque individu, chaque marque, chaque créateur est un média. Que tu le veuilles ou non, tu racontes quelque chose. Et ce récit peut soit éclairer, soit juste buzzer.
Question pour toi :
Quand as-tu pris la parole pour dire quelque chose de vraiment risqué, dernièrement ?
Es-tu prêt à assumer une parole qui ne plaît pas à tout le monde ?
✍️ Exercice : ton moment "dictateur moustachu"
Identifie une cause ou une injustice qui t’agace ou te révolte sincèrement.
Demande-toi ce que tu pourrais faire (même un micro-acte) pour ne pas être spectateur.
Écris un mini-manifeste (3 phrases) sur ce que tu refuses de tolérer — personnellement ou pour ta marque.
Publie-le (ou garde-le pour toi, mais assume ce que tu écris).
La vraie question n’est pas "que ferais-je face aux monstres ?" mais "suis-je prêt à agir avant qu’ils deviennent monstrueux ?"
Tout le reste n’est que posture. Ou imposture.
Sagacité à l'état pur. Smartesse oblige.
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