Et si la pomme de Newton n’était qu’un joli mensonge utile ?
Et si Newton n’avait rien vu tomber ? Une fiction fondatrice, un besoin humain de simplification, et un exercice pour remettre du réel dans nos récits.
Lucie Michaut
8/25/20253 min read


La pomme de Newton, ou un des plus vieux storytelling de la science.
Tu y crois, toi ? À cette scène parfaite, presque littéraire. Un homme seul, un jardin anglais, un fruit qui tombe. Et d’un coup, l’univers qui se réorganise.
Newton lui-même l’aurait raconté. Mais des années plus tard. Avec ce recul un peu trop bien cadré. Ce sens du décor qui trahit parfois l’envie de légende.
Alors, vraie réminiscence ou construction tardive ?
Peu importe, peut-être.
Une chose est sûre. Ce n’est pas la pomme qui fait la gravitation. C’est l’esprit qui relie les chutes. Les silences. Les observations. Ce sont les longues heures d’obsession. Les hypothèses invisibles. Les questions sans réponse. Les tests. Les itérations.
Mais nous, humains, aimons les histoires plus que les raisonnements. Alors on coupe, on simplifie, on désigne un fruit. On crée un instant. On veut croire que le génie tombe du ciel. Que la vérité se révèle d’un coup. Comme par magie. Et j'aime cette vision.
Ce mythe, il rassure. Il organise le chaos. Il donne une forme au flou. Et est-ce si grave, si ce n’est pas tout à fait vrai ? Après tout, les fictions ont leur vérité propre. Elles disent quelque chose, sinon du monde, au moins de la façon dont on tente de le comprendre.
Peut-être que la pomme est tombée. Peut-être pas.
Mais dans tous les cas, elle a touché quelque chose.
Le mythe comme outil de clarté
Les mythes scientifiques ont une étrange fonction : ils trahissent souvent la réalité, mais ils révèlent une vérité plus profonde.
La pomme de Newton en est l’archétype : un raccourci imagé pour une idée complexe. Une fiction pédagogique.
Le cerveau aime les histoires, pas les équations
Notre esprit ne retient pas les heures de calcul, les tâtonnements, les doutes méthodiques. Il retient un fruit, un arbre, une chute.
Le récit condense, simplifie, humanise. Il transforme une construction mentale en image frappante.
💡 Pourquoi ? Parce que les histoires offrent un début, un milieu, une fin — un ordre rassurant dans le chaos de la recherche.
Et toi, à quel moment as-tu remplacé un processus long par une image simple ?
As-tu déjà figé ton propre parcours en une scène facile à raconter ?
L’obsession derrière la chute
Newton n’a pas eu une révélation divine sous un pommier. Il a passé des années à questionner le mouvement, à relier des phénomènes.
Ce n’est pas la pomme, c’est la persistance.
Ce que le mythe efface
Les lectures interminables.
Les échecs conceptuels.
Les idées abandonnées.
Les hypothèses invérifiables.
Mais ça ne rentre pas dans un post LinkedIn, alors on met une pomme.
✍️ Exemple : Einstein a imaginé un homme en chute libre dans un ascenseur. Mais ce n’est pas cette image qui fait la relativité. C’est ce qu’il en a tiré, patiemment, ensuite.
Est-ce que tu valorises assez le chemin dans ce que tu racontes ?
As-tu tendance à romancer pour rendre le chaos plus acceptable ?
La fiction comme boussole
Le plus fascinant ? Ce n’est pas que la scène soit vraie ou fausse. C’est qu’elle fonctionne. Elle inspire, elle oriente, elle donne un point de départ.
La vérité des mythes n’est pas factuelle, elle est directionnelle.
💬 Comme une légende de carte ancienne : "Ici commencent les dragons."
Elle n’indique rien de réel. Mais elle t’incite à explorer.
Et toi, quel mythe te guide encore aujourd’hui, même si tu sais qu’il est faux ?
Exercice : Déconstruis ton mythe personnel
🧩 Mini-framework pour revisiter ton storytelling personnel
Quelle scène simple racontes-tu souvent pour résumer ton parcours ?
Quels éléments complexes, invisibles, sont absents de cette scène ?
Que perd-on (et que gagne-t-on) à garder cette version romancée ?
👉 Réécris ton histoire avec ses zones d’ombre, ses silences, ses lenteurs.
Pas pour la publier. Juste pour la regarder en face.
La gravité n’a jamais eu besoin de pomme
Mais nous, oui.
On a besoin de symboles. De récits.
Pas pour dire le vrai. Pour tenter de le frôler.
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