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Corriger ou comprendre : quand l’indignation remplace l’intelligence

Tu veux corriger une faute ? Tu tombes dans le piège. Une plongée dans les rouages de l’indignation automatique — et une question qui dérange : réagis-tu pour comprendre, ou pour exister ?

Lucie Michaut

9/16/20254 min read

Corriger ou comprendre : quand l’indignation remplace l’intelligence

À force de vouloir avoir raison, il n'y a plus de raisonnements.
Et Pythagore se retourne et dit : - "Cheh".

Parce que oui, les théorèmes, c'est la vie.
Et un théorème n'est pas une théorie (encore moins une opinion).
Il n'a rien à prouver, lui.

Bref. Buzz de la semaine. Une vidéo virale d'une maman panda qui bouscule son petit avec brutalité. L’image pourrait susciter un débat sur l'animal, ou sur la manière dont certaines plateformes exploitent l’émotion pour attirer. Mais non.

La voix off dit "le panda roux". Alors que c'est un panda. Cette faute a déclenché un tsunami de commentaires.

  • “C’est un panda abruti”

  • "Apprends les animaux sérieux".

Les gens sont parfois idiots. Ils tombent à pied joints dans le piège. Et s'étonnent que le monde devient médiocre. Le monde, crois-tu ?

L’indignation s’emballe. Totalement à côté de la plaque. Il y a là une mécanique très précise. Une faille cognitive bien connue : l’esprit humain se sent menacé par l’erreur visible qui défie son besoin d’exactitude. Corriger une faute, même minime, procure une satisfaction immédiate.

Elle permet de se positionner intellectuellement, de se montrer lucide. Voire intelligent. Mais cette réaction n'est qu'un leurre. Ce qui compte est ailleurs. Mais personne ne le regarde.

Ainsi va notre époque : l’attention se déporte vers ce qui peut être corrigé, jamais vers ce qui devrait être interrogé.

Ce réflexe de signalement rend prévisibles et manipulables. Il suffit d’introduire une imprécision, subtile mais volontaire, pour déclencher (avec préméditation) les réactions. Le vrai passe sous les radars, protégé par l’agitation. Bien joué.

Le but n'est pas de convaincre mais d'occuper l’espace mental. À provoquer des réactions plutôt qu’à transmettre des idées. Et cela fonctionne.

Ce même réflexe se retrouve dans un autre débat : celui des contenus générés par IA. On accuse ces publications d’être froides, artificielles, “non humaines”. Mais que reproche-t-on exactement ? Que le texte soit structuré ? Qu’un outil ait aidé à formuler ce que beaucoup peinent à dire ? Ou est-ce un besoin de justice ? Une peur cachée ? Bref on se retrouve avec des correcteurs de virgules.

Pendant des années, on a vu circuler des trames de copywriting, des recettes prêtes à l’emploi, des “formats qui marchent” livrés sans âme. L’IA, au lieu d’inventer, ne fait que prolonger cette logique.

L’époque confond authenticité et amateurisme. On encense les textes bancals au nom de la sincérité. Comme si la clarté était suspecte, et la médiocrité, une preuve d’humanité.

Cette inversion des valeurs intellectuelles est préoccupante. On s’offusque de ce qui est visible, sans voir ce qui est en jeu. Et pendant que tu réagis, d’autres agissent. Pendant que tu dépenses, d'autres pensent.

Les gens ont oublié leur discernement, le retrouveront-ils un jour ?

Car ce n’est pas la vérité que nous avons perdue.
C’est le regard qui permettait de la chercher.

Le piège de l’indignation facile

Ce qui choque est viral. Ce qui dérange reste invisible.

Nous vivons dans un régime émotionnel permanent : la moindre erreur devient un appel à l’ordre. Un prétexte pour briller à peu de frais.
Corriger une imprécision devient plus gratifiant que comprendre une situation.

Un panda mal nommé déclenche plus de commentaires qu’un système d’algorithmes qui manipule l’attention.
Et tout le monde tombe dedans.
Le piège est visible, mais le besoin d’exister l’est plus encore.

💬 Es-tu du genre à repérer la faute ou à chercher ce qu’elle cache ? Et que dis-tu en toi quand tu veux "remettre les choses au clair" ? Est-ce pour comprendre, ou pour te montrer ?

L’illusion de l’intelligence visible

On croit encore que repérer une erreur est une preuve de lucidité.
Mais c’est souvent une fuite.
L’intelligence véritable ne s’épuise pas à pointer. Elle creuse. Elle relie. Elle doute.

Les réactions “ça c’est une IA”, “ça manque d’émotion”, “ça sonne pas humain” sont souvent… des excuses.
Pour ne pas admettre que l’outil est plus clair que nous.
Plus structuré. Plus sobre.
Moins spectaculaire — mais peut-être plus juste.

✍️ Journal prompt :
Quelle est ta propre résistance face à la forme "propre", "parfaite", "calculée" ? As-tu déjà préféré un message flou mais sincère à un message clair et dérangeant ? Pourquoi ?

La clarté est suspecte, la médiocrité devient rassurante

Nous avons inversé les repères.
Ce qui était autrefois le signe d’un bon esprit (la rigueur, la structure, l’élégance) devient soupçonnable.

On préfère :

  • L’approximation “authentique”

  • Le texte bancal “plus humain”

  • L’émotion brute, même confuse, à une pensée bien conduite

Mais l’émotion sans cadre n’élève rien. Elle disperse. Elle confond. Elle se fait manipuler.

💬 Te sens-tu parfois coupable d’être trop clair, trop structuré, trop "pro" ? Qui as-tu peur de froisser en étant limpide ?

On ne cherche plus la vérité : on cherche une réaction

C’est ça, le cœur du problème.
L’attention s’est déplacée du fond vers le réflexe.

Et pendant que tu corriges une faute de genre ou d’espèce,
le message continue sa course.
Sous les radars.
Infiltré.

Le piège n’est pas l’erreur. Le piège, c’est que tu crois avoir gagné parce que tu l’as vue.