Ceux qui prennent toute la place : anatomie des bulldozers sociaux
Ils ne crient pas. Ils ne cognent pas. Et pourtant, ils t’épuisent. Anatomie d’un vacarme social invisible — et d’un art discret de résister.
Lucie Michaut
9/16/20253 min read


Ceux qui prennent toute la place : anatomie des bulldozers sociaux
Il y a les discrets.
Et puis, il y a les bulldozers sociaux.
Pas violents, pas méchants, pas toxiques. Juste intrusifs. Présents comme une fanfare dans un cloître. Ils prennent l’espace comme s’il leur était dû.
Tu sais, ces gens qui parlent trop fort dans une salle calme. Qui s’imposent dans une file. Bref, qui t’effleurent sans te voir, comme si ton corps était transparent. Ils ne sont pas dans l’agression. Ils sont dans l’oubli de l’autre.
Puisque dans leur petit monde, il n'y a qu'eux et pourtant sans les autres, ils n'existent pas.
Quand tu les croises, tu sens ton système nerveux siffler.
En mode cocotte minute. Et quelques secondes, c'est déjà trop.
Et tu te demandes : est-ce moi qui suis trop sensible, trop conne ou eux, trop bruyants et trop sourds ?
La réponse est dans la tension.
Les bulldozers sociaux ne te tendent pas un miroir.
Ils t’opposent une contre-valeur.
Un test de maintien. De grâce. D’endurance discrète.
Toi, tu continues à dire pardon quand on te bouscule. À moduler ta voix. À respecter les bulles invisibles. Ce n’est pas une stratégie. C’est un savoir-vivre. Du savoir-être. Avec les poils hérissés en silence. Et les pensées qui fusent. Et beaucoup de self-control. Beaucoup trop.
Aliis inserviendo consumor. En servant les autres, je me consume.
Ou plutôt : je me distingue.
Les bulldozers sociaux : une présence envahissante, jamais méchante
Ils ne hurlent pas, ne menacent pas, ne cognent pas.
Mais ils envahissent. Par leur voix. Leur corps. Leur manière de s'imposer comme si être là leur donnait tous les droits.
Ce ne sont pas des tyrans. Ce sont des aveugles sensoriels.
Leur filtre est inversé : là où tu perçois l’espace des autres, eux ne voient que le leur.
Et toi, tu les croises souvent ces bulldozers ?
Qu’est-ce qui t’agace le plus chez eux : le bruit, l’indifférence ou la place qu’ils prennent sans jamais demander ?
L'oubli de l'autre : une forme subtile de domination
Ils ne t’agressent pas. Mais ils t’effacent.
Et c’est peut-être pire.
Ce n’est pas une guerre frontale. C’est une nappe de brouillard social où l’autre n’est qu’un décor.
Ils existent par projection. Et toi, tu deviens une surface d’appui — ou d’indifférence.
Ils ne te voient pas. Pas par méchanceté, mais par programmation.
As-tu déjà ressenti cette forme d’effacement ?
Comment réagis-tu quand on t’ignore sans hostilité mais avec désinvolture ?
L’épreuve silencieuse des discrets
Tu ne réagis pas. Tu encaisses.
Parce que tu as appris à vivre dans le respect des bulles, des silences, des nuances.
Tu tiens bon. Avec élégance. Mais à quel prix ?
Tu régules l’ambiance pendant que d’autres la bousculent sans y penser.
Tu absorbes, tu te tais, tu t’adaptes. Encore.
✍️ Exercice :
3 questions à se poser quand on se sent trop effacé·e :
Est-ce que je suis en train de préserver la paix ou de m’effacer pour ne pas déranger ?
Est-ce que cette personne mérite vraiment toute cette adaptation ?
Que se passerait-il si, pour une fois, je faisais le bruit que je retiens ?
Une distinction, pas une faiblesse
Aliis inserviendo consumor. Oui, tu t’étires, tu t’adaptes, tu t’ajustes.
Mais ce n’est pas une perte. C’est une posture. Une éthique. Une présence à soi.
Ce n’est pas toi qui es "trop" — c’est le monde qui entend "fort" ceux qui parlent sans écouter.
Tu n’es pas invisible. Tu es l’espace entre les bruits.
Sagacité à l'état pur. Smartesse oblige.
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